Cette thèse est une étude d’histoire culturelle sur les processus de construction des appartenances. Le cadre spatio-temporel de départ est la ville d’Alexandrie entre la fin du XIXe siècle et le premier tiers du XXe. Son statut compliqué d’interface entre plusieurs horizons politico-culturels (ottoman, arabe, européen) en fait un terrain privilégié pour analyser les notions d’étranger, égyptien, ottoman, local, national, cosmopolite comme catégories mouvantes, façonnées par les acteurs. Dans la volonté de faire de l’imaginaire un objet d’histoire, ces catégories sont appréhendées à travers les textes littéraires (en arabe, français, italien, anglais) produits par les acteurs de la vie culturelle alexandrine. Une étude de leurs trajectoires personnelles, des sociabilités qui se nouent (ou pas) dans les milieux littéraires citadins et des critères sur lesquels se font et se défont les réputations littéraires permet de lier la dimension individuelle de ces acteurs à une dimension collective, sociétale. Pour prolonger le débat dans l’actualité, on propose enfin une approche socio-historique de la survie ou de la disparition de ces réputations littéraires au-delà du cadre spatio-temporel de départ. Réfléchir aux milieux dans lesquels une réputation d’auteur construite dans l’ère des empires survit, ou ne survit pas, au passage à l’ère des États-nations, ou à celui de la période coloniale à l’époque des décolonisations, permet d’explorer le champ de la mémoire sur des bases autres que celles de la nostalgie ou de l’idéologie.
This dissertation is a cultural-history study of the building up of categories of belonging. The spatio-temporal context is the city of Alexandria between the late 19th century and the first third of the 20th. Being a field of confrontation between several cultural and political horizons (ottoman, Arab, European), Alexandria is a privileged domain to study the notions of foreigner, Egyptian, ottoman, local, national, cosmopolitan as shifting categories, built-up by actors. In the aim of treating imagery as a historical object, these categories are investigated through a set of literary texts (in Arabic, French, Italian, English) produced by the actors of Alexandrian cultural life. By studying their trajectories, the sociability that emerges (or not) in Alexandrian literary milieus and the criteria on which literary reputations are built up, we can link the individual scale to a societal dimension. In conclusion, to extend the perspective, we propose a socio-historical analysis of the survival or disappearance of these literary reputations beyond the space and time firstly considered. Analyzing the milieus in which an author reputation built up in the age of empires survives, or not, through the age of Nation-states, or from the colonial epoch to the age of decolonization, is offering an approach to the field of memory which is not based on nostalgic or ideological positions.