La fondation des quatre ospedali de Venise témoignait de l’influence des idées humanistes et des idéaux de la Réforme catholique sur l’aide à apporter aux pauvres, aux malades et aux orphelins. La structure politique et sociale particulière de la République Sérénissime s’était traduite par une implication particulièrement forte des patriciens et des citoyens dans ces institutions où se nouaient de profitables alliances. Le contexte particulier des années 1630, qui virent s’ouvrir les premiers théâtres d’opéra, s’était ajouté à la présence dans les ospedali de nombreux enfants susceptibles de recevoir une formation musicale de haut niveau pour faire naître de véritables écoles de musique. Limitée à l’origine à l’accompagnement des offices, l’activité musicale prit au XVIIIe siècle une grande importance, la sélection rigoureuse des musiciennes et le choix des meilleurs compositeurs contribuant à faire des chœurs des ospedali l’épicentre de la vie musicale vénitienne. Les « filles du chœur », qui seules recevaient une formation musicale, pouvaient ensuite entrer dans les ordres ou se marier. Bien qu’il leur fût interdit de se produire en public hors de leur ospedale, certaines d’entre elles parvinrent en effet à faire carrière au théâtre. Elles contribuaient ainsi à faire connaître hors des frontières de la République des institutions uniques en Europe, de plus en plus présentes dans les récits des voyageurs et qui participèrent pleinement, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, au mythe de Venise. Avec les conservatoires de Naples, les ospedali offrirent ainsi un modèle italien d’école de musique exportable en Europe.
The foundation of the four ospedali of Venice revealed the influence of the humanist ideas and the ideals of the catholic reformation on the philanthropy towards the poor, the sick and the orphans. The specific political and social structure of the Venetian Republic explains the strong implication of the patricians and the cittadini within those institutions, where they could develop profitable alliances. The particular context of the 1630s, when the first theatres of opera opened, added itself to the presence in the ospedali of many children who could be taught music at a high level to give birth to real music schools. Originally conceived to accompagny religious services, the musical activity became very important in the XVIIIth century : as the musician girls were specially selected and the composers were carefully chosen, the ospedali choirs became the epicentre of the Venetian musical life. The "choir girls", who were the only ones to be taught music, could then take the veil or get married. Although they were forbidden to perform in public outside their ospedale, some of them made their career on the stage. Their fame spread wide over the borders of the Republic, and they thus participated to have the ospedali known throughout Europe. These unique institutions were more and more mentioned in the travel diaries and they played a role in the durability of the myth of Venice until the end of the XVIIIth century. Along with the musical academies of Naples, the Venetian ospedali created an Italian model for other European music schools.