Abstract:
Ce projet de thèse porte sur la représentation du paysage dans le roman haïtien du XIXe siècle et étudie à travers une perspective diachronique les ouvrages parus entre 1859, date de publication de Stella, le premier roman haïtien, et 1923, date de parution des Simulacres, le dernier des romans dits « nationaux ». Il s’agira, dans un premier temps, d’identifier un modèle descriptif commun qui puisse témoigner de l’originalité de ces textes par rapport au paradigme européen constituant encore à l’époque l’idéal littéraire de référence. Se construisant en parallèle avec le portrait biaisé diffusé dans les récits métropolitains, les représentations autochtones de la terre haïtienne, au lieu de le réfuter, s’approprieront le modèle descriptif étranger pour en montrer l’artificialité. Au XIXe siècle nous assistons à la naissance d’un phénomène littéraire qui part de l’appropriation du discours colonial pour arriver, à travers son remaniement, à la création d’une identité nationale originale et autochtone.
Il s’agira, dans un deuxième temps, d’analyser les enjeux qui se cachent derrière les représentations du paysage chez les premiers romanciers haïtiens. Dans le contexte historique de l’île, qui était devenue indépendante en 1804, la représentation de l’espace peut être vue comme le reflet littéraire des tentatives d’appropriation de la terre par le peuple haïtien. Après l’Indépendance, le Pays ne pouvait pas se passer de faire face à son passé colonial comme à sa condition d’île à plantation dans laquelle les esclaves se voyaient nier par le pouvoir hégémonique un rôle actif dans l’aménagement de la terre. De ce désir de réconciliation avec un espace, l’île, qui ne les avait accueillis que physiquement depuis qu’ils avaient quitté les côtes africaines, naît le besoin de constituer une littérature nationale s’axant, entre autres, sur la construction d’un lien affectif avec la terre natale. L’ensemble de ces nouvelles significations sera étudié à l’aune d’un apparat critique pluridisciplinaire : l’analyse sémiotique textuelle et la sémiologie de l’espace seront accompagnées d’une perspective écocritique ainsi que d’une approche postcoloniale.