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La Belle Époque marque un tournant dans la perception et la représentation de la femme auteur, surtout des poétesses, grâce à une éclosion sans précédent de la soi-disant poésie féminine. Puisque de plus en plus de femmes font entendre leur voix, une partie de la critique se demande quelle place elles pourront occuper dans le milieu littéraire ou simplement si elles sont légitimées à en occuper une. En raison d’une prétendue infériorité intellectuelle et de leur ivresse sentimentale et sensuelle, ces critiques définissent des limites esthétiques et formelles aux écrivaines, en les reléguant à des genres spécifiques, comme le roman épistolaire ou la poésie lyrique. Le grand nombre d’études pseudo-savantes au sujet de la « poésie féminine », regroupant toute la production des femmes de lettres uniquement par leur appartenance au genre féminin, révèle que la critique de la première décennie du XXe siècle est bien consciente de la portée exceptionnelle du phénomène, aussi bien d’un point de vue littéraire que social. Il existe cependant une divergence évidente entre la perception de l’époque et l’héritage que ces poétesses ont laissé. Dans la plupart des anthologies et des histoires littéraires, nous pouvons facilement constater l’absence de toute mention de leurs noms et encore plus de leurs ouvrages. N’ont-elles pas résisté à l’épreuve du temps ? L’effacement progressif de leurs noms des histoires littéraires, les a-t-il condamnées à l’oubli ? Dans ce travail, il n’est pas question de répondre à ces interrogations séculaires, presque impossibles de disséquer. La présente étude se propose de montrer l’intérêt littéraire et social à se concentrer sur l’apport des femmes dans le champ littéraire. Pour y parvenir, nous nous focaliserons sur l’année 1901 que nous considérons comme l’apogée de ce que Maurras appelle le romantisme féminin, par la parution concomitante de trois recueils poétiques : Le Cœur innombrable d’Anna de Noailles, Occident de Lucie Delarue-Mardrus et Études et Préludes de Renée Vivien.
Dans un premier temps, par l’étude d’un groupe de textes critiques de la première décennie du XXe siècle sur la femme auteur et par la réflexion sur certaines instances d’agrégation et de consécration autour desquelles gravitent ces poétesses, nous essayerons d’évoquer les enjeux caractérisant la « décennie saphique », sans oublier de l’insérer dans un contexte littéraire non genré. Dans cette perspective, il sera alors nécessaire de prendre en considération un corpus de poèmes tirés des trois recueils mentionnés ci-dessus, assez représentatifs de leur époque et de la « poésie féminine », car écrits par des figures de proue de la Belle Époque. Le corpus sélectionné sera analysé de façon comparative, tout en respectant l’unicité de chaque poétesse, par le biais d’un leitmotiv: le « classicisme moderne », pour employer la formule d’Henri Ghéon. L’objectif de ce travail sera donc de mettre en lumière, à travers cette thématique majeure dans la littérature du début du XXe siècle, le fait que, au contraire des accusations de la critique et de certains écrivains, l’ensemble des autrices ne constitue pas un mouvement à part qui se développe parallèlement au canon, mais elles participent a contrario à ses questionnements et à ses enjeux. |
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