Abstract:
Le problème de l'intraduisibilité a longtemps, depuis l'époque des anciens penseurs, été au cœur de la théorie de la traduction. Malgré le succès de la pratique séculaire de la traduction, la soi-disant « théorie de l'intraduisibilité » a été largement développée dans les travaux des linguistes, à commencer par Wilhelm von Humboldt. En règle générale, les partisans d'une vision pessimiste de la traduction défendent leur position en faisant référence à des cas extrêmes d'incohérences dans les langues et les cultures. Le jeu de mots est traditionnellement considéré comme l'un de ces cas « intraduisibles ». Néanmoins, les jeux de mots, qui s'avèrent souvent intraduisibles linguistiquement, deviennent pleinement traduisibles d'un point de vue fonctionnel, surtout lorsqu'ils sont vus dans le contexte d'une œuvre littéraire. Dans ce travail, une tentative est faite de tracer le chemin du développement de l'idée d'intraduisible et de lui donner une définition exhaustive, autant que possible. Une attention particulière est portée au problème du jeu de mots. La deuxième partie du travail analyse les trois traductions des Exercices de style (1947) de l'écrivain français Raymond Queneau, une œuvre non seulement remplie de jeux de mots, mais entièrement construite sur tel jeu. Les deux traductions en russe et une en italien incarnent des stratégies de traduction opposées pour résoudre l'intraduisibilité et illustrent comment elle peut éventuellement être surmontée.