Abstract:
Qu’est-ce qui nous vient à l’esprit quand nous pensons au soleil ? Quelles sensations est-ce qui nous suscite une journée ensoleillée ? Le champ lexical du soleil a tendance à avoir une connotation très positive parce que l’homme a l’habitude de percevoir cette étoile comme une entité autour de laquelle tourne tout type de vie sur terre. Il serait donc une source bienveillante qui domine sur tout ce que nous connaissons. Cependant, ce n’est pas la seule vision que l’on peut avoir de l’astre le plus important de notre système : le fait de dominer d’en haut peut aussi effrayer; la chaleur qu’il émane peut provoquer une sensation de suffocation. C’est justement sur une vision du soleil connoté négativement que cette étude veut se concentrer.
Notre intérêt naît tout d’abord de la lecture d’un roman du canon de la littérature française du XXème siècle, "L’étranger" d’Albert Camus, puis d’un article sur ce livre écrit par Roland Barthes. Dans "“L'Etranger”, roman solaire", publié en 1954, douze ans après la parution du premier roman camusien, le célèbre théoricien de la littérature définit ainsi le personnage principal: “Meursault est un homme charnellement soumis au Soleil, et je crois qu’il faut entendre cette soumission dans un sens à peu près sacral. Tout comme dans les mythologies antiques ou la Phèdre racinienne, le Soleil est ici expérience si profonde du corps, qu’il en devient destin” . Cette définition surgit de la constatation que tout moment clé de l’histoire (en particulier, les funérailles de la mère de Meursault, le meurtre de l’Arabe et le procès) serait de quelque façon influencé par le soleil . Plusieurs aspects sont intéressants à analyser : tout d’abord une utilisation du mot soleil avec une majuscule, qui nous amène à penser à une véritable association du corps céleste avec une divinité mythique capable d’influencer le protagoniste des événements. Ce qui est curieux à remarquer est que le soleil s’impose toujours sur la volonté du protagoniste. Selon Barthes, il devient la source de tout ce qui se passe dans l'œuvre, joies et douleurs de Meursault: “car le soleil est ici tout: chaleur, assoupissement, fête, tristesse, puissance, folie, cause et éclairement” . Nous aimerions quand même soutenir l’idée que c’est surtout le malheur qu’il provoque.