Abstract:
Considérée pendant longtemps comme une fin en soi hors de toute littérature, l’œuvre de Rimbaud entretient au contraire des liens très étroits avec la culture de son temps. Rimbaud est un poète savant, pour qui la « vieillerie poétique » fait l’objet d’une fréquentation assidue, quoique toujours associée à un effort novateur. C’est précisément de cette tension entre la confrontation à des modèles et leur dépassement que la présente étude entend rendre compte, et cela par un exemple précis concernant la première phase de la production poétique de l’auteur. Nous nous proposons en effet de retracer l’évolution de la poésie et de la pensée de Rimbaud à l’aune de l’interaction épistolaire que ce dernier eut avec Théodore de Banville entre 1870 et 1871. Personnalité de premier plan dans le milieu littéraire de l’époque, Banville fait partie d’un groupe de « maîtres » dont l’influence sur Rimbaud est significative, comme le montrent les deux lettres que le jeune poète ardennais lui envoya : datées 24 mai 1870 et 15 août 1871 respectivement, elles témoignent d’une évolution considérable, relevant à la fois de la posture que le collégien adopte face au maître et des poèmes qu’il décide de lui présenter. Il sera question de comprendre comment Arthur Rimbaud, qui en 1870 déclarait par sa lettre et par ses vers son ambition d’être publié dans le Parnasse Contemporain, put en l’espace d’un an se transformer en Alcide Bava, signataire d’une lettre aussi brève qu’insolente et auteur de Ce qu’on dit au Poète à propos de fleurs, c’est-à-dire d’un poème à bien des égards anti-parnassien.